Médiologie urbaine : quand la géopolitique locale s’affiche

Les murs de nos villes sont riches d’enseignements. Un tract placardé, une affiche ou un autocollant nous en apprennent beaucoup sur l’agitation sociale, les contestations, les revendications, les aspirations de ceux qui, vivant ou passant par là, ont voulu y laisser une empreinte.

Fond et forme du message, références symboliques, nombre, auteur revendiqué ou non : tous ces « faits de transmission » (comme le dit Régis Debray, père-fondateur de la médiologie, pour désigner son objet d’étude) nous inspirent une véritable médiologie urbaine à travers laquelle nous découvrons luttes, causes et acteurs des rapports de force qui agitent le territoire.

Brouillons et fébriles ou coordonnés et appliqués, ces graffitis et collages qui cherchent à attirer l’œil des passants sont aussi, parfois, une façon pour un groupe de revendiquer une forme d’emprise – symbolique du moins – sur un territoire donné. Alors les groupes militants adverses n’auront de cesse que de déchirer, recouvrir ou détourner ces marques, parfois piégées selon des méthodes ancestrales (colle mélangée à des bris de verre), en signe de revendication contradictoire.

A un autre niveau d’analyse, le choix des lieux, le moment de la découverte et l’agencement d’affiches les unes par rapport aux autres peuvent traduire des actions coordonnées, des causes alliées ou au contraire exprimer des dissensions. Elles sont parfois l’empreinte laissée sur le parcours d’un cortège de manifestants, tandis qu’ailleurs elles persistent à annoncer un rassemblement qui a eu lieu il y a longtemps déjà, sans être décollées par quiconque. Il n’est pas rare que leur présence et leur durabilité constitue un indice pertinent sur la sociologie environnante. C’est en tout cas, toujours, le signe d’une vitalité activiste, militante et parfois culturelle dont l’étude se révèle passionnante.

Un collage féministe déborde sur un tapissage du groupe écologiste Extinction Rebellion et le détourne en partie. Paris, septembre 2020.

Si les productions de certains groupes sont très standards et se répandent presque uniformément sur le territoire, il arrive aussi de croiser des messages moins courants, très localisés, parfois exprimés par ce seul biais et non pas en complément des désormais classiques supports de communication numériques employés par la plupart des groupes militants. Ceux-ci offrent alors un point de vue inédit, comme le symptôme d’une agitation discrète qui ne se révèlerait qu’aux badauds les plus attentifs.

La géopolitique locale se découvre donc, aussi, à travers l’exploration urbaine. Ainsi inaugurerons-nous très prochainement une rubrique dédiée à la « médiologie urbaine », à travers laquelle nous partagerons nos analyses sur ces vecteurs de communication perçus partout à travers la France, pris individuellement ou regroupés par thème, acteur, date ou localisation.