Deux projets immobiliers annulés pour raisons sanitaires et environnementales : quels enseignements ?

Preuve s’il en manquait que le syndrome NIMBY* n’est plus le seul motif d’opposition aux opérations immobilières, deux importants projets parisiens viennent de voir leurs permis de construire annulés par la Tribunal Administratif suite aux recours formés par des associations de défense de l’environnement ainsi que plusieurs élus écologistes et insoumis de la ville de Paris. Les arguments des branches locales de deux puissantes organisations que sont Les Amis de la Terre et France Nature Environnement (FNE) ont convaincu les juges.

Des mesures compensatoires insuffisantes

Ces deux projets d’envergure devaient venir enjamber le boulevard périphérique parisien – où la qualité de l’air est sans surprise très mauvaise, formant un tunnel propice à la concentration de polluants nocifs. Une problématique encadrée par le droit et trop peu prise en compte par les porteurs de ces projets selon le Tribunal Administratif de Paris.

En effet les mesures compensatoires sont apparues insuffisantes et leur efficacité incertaine : il s’agissait essentiellement, pour le plus imposant des deux projets, de murs végétaux. Les juges relèvent d’ailleurs que les incertitudes quant à l’efficacité d’un tel dispositif en matière de dépollution sont documentées depuis octobre 2018 par la Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAe).

Ce n’est semble-t-il que trop tardivement que les porteurs dudit projet ont entendu en faire un « laboratoire phare de la dépollution urbaine » (terme relevé dans la décision), commanditant entre novembre 2019 et juin 2021 une série d’études portant sur des solutions de dépollution testées en laboratoire. Ces études, survenues après la délivrance du permis de construire, n’ont donc pas été prises en compte lors de l’enquête publique ni lors de l’instruction de l’autorisation d’urbanisme.

Quels enseignements ?

En l’espèce et au seul vu des éléments cités dans les décisions de justice, le rapport de force engagé par les associations paraît positif en ce qu’il a permis de mettre en lumière un enjeu sanitaire et environnemental réel et non négligeable. Bien que tardifs, les efforts engagés par le promoteur postérieurement à l’obtention du permis de construire suivent d’ailleurs la direction donnée par la décision de justice, à savoir approfondir le travail de gestion du risque sanitaire et environnemental pour ce projet. On peut tirer plusieurs leçons de cet évènement :

  • Le travail de veille des projets et d’actions juridiques des ONGs et associations sur les activités de construction est de plus en plus efficace. Si pour les promoteurs, ce phénomène apparaît d’abord comme un caillou (supplémentaire) dans la chaussure, il peut aussi être mis à profit : en étudiant les revendications portées par ces organisations et leurs alliés, il est parfois possible d’identifier ou de faire émerger des solutions intéressantes pour améliorer la qualité des projets.
  • L’importance du travail de fond sur les sujets sanitaires et environnementaux face à des normes toujours plus exigeantes, mais également face à la pression d’une opinion alertée par différents relais, ne fait que croître.
  • On note également l’importance du travail de documentation des choix stratégiques : en l’espèce, le Tribunal Administratif relève que la solution proposée pour la dépollution de l’air (murs végétaux) était déjà, plusieurs mois avant l’obtention du permis, considérée comme précaire par une autorité publique. Il aurait été profitable au promoteur d’identifier ce point et d’adapter son projet en conséquence.

Enfin, et même si cela peut sembler anecdotique, ce cas pose une question plus large en matière d’aménagement du territoire. A vouloir se développer sur elle-même, la petite capitale qu’est Paris en vient à mordre sur son périphérique. Si elle peut sembler astucieuse, cette solution spatiale n’est pas sans poser d’autres problèmes, comme ce recours victorieux en témoigne. C’est bien avec l’ensemble de ces contraintes qu’il convient désormais de composer.

*NIMBY (Not In My Backyard) : cette expression, que l’on peut traduire par « pas de ça chez moi », désigne les phénomènes d’opposition des riverains aux projets de construction ou d’aménagement divers, lorsqu’ils sont essentiellement mus par des considérations personnelles et égoïstes (refus des nuisances, craintes pour ses intérêts patrimoniaux…).

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